FLUCTUAT NEC MERGITUR

ET SI LA SEINE DEVENAIT LE MOTEUR DE TRANSFORMATION DES MODES DE VIE DES PARISIEN·N·ES ?

Annoncée et redoutée depuis longtemps, la grande crue centennale de la Seine aura fini par se produire le 13 janvier 2030. La Ville de Paris et ses partenaires avaient anticipé la possibilité d’une crue et investi dans des mesures de prévention et de protection en conséquence, mais celles-ci n’auront pas suffi à endiguer la montée des eaux dans un contexte de pluies et d’orages incessants. De par son ampleur, comparable à celle de 1910, la crue a entraîné la saturation du lac-réservoir de la Seine situé en amont du fleuve et le débordement du réseau des eaux usées, causant des inondations qui ont mis à mal la majeure partie de la capitale.

CAUE de Paris - Jean-Baptiste Vicquelin
CAUE de Paris - Jean-Baptiste Vicquelin

Passé le choc et la situation d’état d’urgence, cette catastrophe a été l’occasion de mettre en œuvre des transformations du territoire et des modes de vie des Parisien·ne·s. Transformations d’autant plus nécessaires qu’il est vite apparu que ce coup d’éclat de la Seine ne serait pas le dernier et qu’il faudrait désormais vivre dans l’alternance entre épisodes d’inondation et épisodes de sécheresse.

Paris a fait le choix d’accueillir cette nouvelle forme de marée urbaine en façonnant la ville pour l’adapter à la présence de l’eau. On aménage des zones « volontairement inondables », débitumées pour favoriser l’infiltration de l’eau et former des milieux humides d’un nouveau genre pendant les épisodes de fortes pluies. L’espace des bords de Seine se mute en nouvel écosystème à la frontière entre monde terrestre et fluvial, refuge de biodiversité et d’espèces parisiennes inédites comme le castor et le palétuvier d’eau douce.

Plutôt que de chercher à empêcher ou détourner l’incursion de l’eau dans les terres, la Ville de Paris a employé ses efforts à la rendre propre pour garantir la salubrité urbaine et proposer de nouveaux services pendant les épisodes de crue. On peut citer la mise en place d’un nouveau réseau de distribution d’eau de Seine semi-potable, c’est-à-dire propre à la consommation lorsque bue à travers un filtre purificateur.

En 2050, les relations des habitant·e·s vis-à-vis de leur fleuve se sont transformées et font l’objet de travaux anthropologiques qui rendent comptent du passage de la Seine d’élément naturel à objet culturel. On enseigne dans les écoles le respect du fleuve, via une personnification du cours d’eau qui confine parfois à la superstition, et on encourage les contacts pour apprivoiser cet élément impétueux : bains de Seine, excursions sous-marines, etc.

Paris capitalise sur l’infrastructure héritée des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 pour devenir une capitale du tourisme des sports d’eau : aviron, canoë, plongeon, surf hydrofoil se pratiquent dans la Seine, au côté de nouvelles pratiques sportives compatibles avec les crues comme le triathlon aquatique natation-pédalo-apnée.

▌FRAGMENTS ISSUS DE CE FUTUR

Échelles de la ville, du quartier, du foyer/de l'invidividu

→ Le Vél’eau
Réseau du vélo fluvial en libre accès, le Vél’eau est un véhicule amphibie qui permet de relier rive droite et rive gauche en quelques secondes et d’emprunter le cours de la Seine pour circuler dans Paris, y compris lors des épisodes de crue. Il invite à un contact régulier avec le fleuve et permet de relier les espaces de sports d’eau situés le long de la Seine.

→ L’inauguration de la première co-construction Homme-castor
Grâce à la politique de dépollution de la Seine, un nouvel habitant s’installe désormais dans les eaux claires de la capitale : le castor ! Le 28 mars 2045 est un jour historique pour la collaboration entre humain et non-humain puisqu’on inaugure le premier ouvrage réalisé main dans la patte avec le castor, un barrage de crue éphémère qui protège le quai sud de l’Île Saint-Louis. Une première co-construction qui ouvre la voie à d’autres bâtis collaboratifs sur le fleuve et dans la ville.

→ Le caisson de l’essentiel
Un caisson étanche est fourni à chaque foyer par la Ville de Paris dans le cadre d’une démarche « d’accompagnement à la perte matérielle ». Il s’agit de prendre un temps pour réfléchir en famille aux objets qu’on voudrait sauver d’une potentielle inondation et ainsi faire la part de l’essentiel et du superflu. Les biens jugés non-essentiels sont recyclés ou réemployés pour de nouveaux usages lors de la « Fête de la mue », qui se tient une fois par an en haut de la Butte Montmartre et au cours de laquelle on célèbre des modes de vie recentrés sur l’essentiel.

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INFORMATIONS

SÉLECTION DE TENDANCES ET SIGNAUX
Sources d’inspiration dans le présent pour ce futur...

 

→ Paris devrait voir sa température moyenne augmenter de 2 à 4 °C dans les prochaines décennies. Cela entraîne une série de risques que la capitale se prépare à affronter : canicules, sécheresses, orages violents, crues, ou encore tension sur la ressource en eau, etc. Lien

 

→ Le risque d’une inondation majeure équivalente ou supérieure à celle de 1910 constitue l’un des principaux chocs auxquels Paris doit se préparer. Lien

 

→ Le risque d’étiage de la Seine et de raréfaction de la ressource en eau constitue lui aussi un défi climatique majeur des prochaines décennies. Il est redouté une diminution du débit de la Seine et de ses affluents d’environ 30 % d’ici 2080. Lien

 

→ Face au risque d’inondation, la municipalité de Rotterdam a décidé de créer des « water squares » (ou bassins de rétention d’eau) qui soient de véritables espaces publics intégrés à leur quartier. La signalétique est pensée pour être ludique en cas de crise : les zones inondables sont peintes en différentes nuances de bleu selon la gravité de l’inondation. Lien

 

→ Grâce à son efficacité énergétique, le transport fluvial consomme 5 fois moins de carburant que le transport routier et émet 2,5 fois moins de CO2 à la tonne transportée.

 

→ Paris a la particularité de disposer de plusieurs réseaux d’eaux : eau potable, eau non potable, mais aussi eaux usées et pluviales dans le réseau d’assainissement des égouts de Paris. Lien

 

→ Des espaces de baignade en milieu naturel seront ouverts à Paris, notamment dans la Seine à compter de 2024, en héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques. Lien

 

Texte d'inspiration proposé par le studio Design Friction pour nourrir la démarche de prospective créative « Vers Paris 2050, affronter ensemble les défis de notre siècle ». Ce texte imagine un futur possible pour Paris à l’horizon 2050, selon l’impact des différents chocs qui pourraient survenir (changements climatiques et catastrophes naturelles, crise de la biodiversité, raréfaction des ressources, etc...). Il vise à inspirer les contributeurs de la démarche et à nourrir les débats.

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